Africanisme, panafricanisme, nationalisme, souverainisme : des voies sans issue
Dans de nombreux pays africains tout comme ici en Côte d’Ivoire, il est de bon ton de se définir comme « africain » et parfois de se revendiquer du panafricanisme, notamment dans le milieu des intellectuels, des artistes médiatisés et des politiciens de tous bords. Chacun met ce qu’il veut derrière ce qualificatif, y compris son contraire. Ils ne voient aucune contradiction entre le fait de se dire « africain avant tout » ou de chanter que « l’Afrique doit s’unir » tout en propageant des discours à coloration ethnique ou en soutenant que le drapeau national est « sacré ».
Aux origines du panafricanisme et de ses avatars
Les idéaux portés par le panafricanisme sont nés sur le continent américain durant la première moitié du 20èmesiècle. Il s’agissait alors pour les descendants d’esclaves de se réapproprier leur histoire et leur identité africaine afin de s’émanciper de la domination blanche. Le panafricanisme popularisait la solidarité raciale et la revalorisation culturelle de l’Afrique et des Noirs en s’appuyant sur le sentiment d’appartenir à une même communauté forgée par une oppression commune.
C’est surtout au lendemain de la deuxième guerre mondiale que ce mouvement se répandit dans le milieu des intellectuels africains qui faisaient leurs études aux États-Unis ou en Europe. Il prendra alors la forme d’un mouvement pour l’unité et l’émancipation du continent africain.
La plupart de ceux qui deviendront plus tard des chefs d’État africains après les indépendances se disaient plus ou moins panafricains. Mais une fois au pouvoir, ils se sont accrochés aux États et aux frontières que les colonisateurs leurs ont légués ; ces États étaient pour eux une source de richesses et de privilèges. Il y a eu quelques tentatives de fédération ou de regroupement mais elles ont vite avorté à cause des pressions venant des anciennes puissances coloniales mais aussi à cause de la volonté des dirigeants africains de profiter du pouvoir que leur cédaient les colonisateurs pour opprimer leurs propres peuples.
L’OUA (Organisation de l’Unité Africaine créée en 1963, devenue UA en 2002) qui devait être la concrétisation de cette unité a inscrit dans sa charte de fondation le principe de «l’intangibilité» des frontières héritées de la colonisation.
Durant les années qui suivirent les indépendances, le panafricanisme avait déjà vécu et n’était plus que la préoccupation d’un tout petit milieu d’intellectuels émigrés en Europe. Constatant que les indépendances n’ont apporté ni la liberté, ni le développement qu’ils escomptaient, ils sont revenus sur les anciens rêves de leurs prédécesseurs. Ils disent que pour que l’Afrique puisse se développer, il faut constituer de vastes entités qui seraient plus viables économiquement et qui seraient ainsi moins dépendantes de l’économie occidentale. Mais la bourgeoisie africaine est incapable de réaliser cette tâche car elle est pieds et poings liés à l’impérialisme et elle a peur de sa propre population. La situation de morcellement l’arrange fort bien et surtout arrange ses maîtres des métropoles impérialistes.
Mais s’il est vrai que la création de vastes ensembles serait un progrès, même du point de vue capitaliste par rapport au morcellement, il n’est pas juste de croire que cela serait synonyme de développement ou d’un peu plus de liberté pour les populations. L’exemple de l’Inde ou du Brésil qui sont des pays vastes le montre bien. Certes, l’Inde est classée 5ème puissance économique mondiale, mais l’écrasante majorité de sa population fait partie des plus pauvres du monde car les richesses produites sont accaparées par une toute petite minorité. Quant au Brésil qui possède énormément de richesses naturelles et d’immenses terres fertiles, il exporte des produits alimentaires alors que la majorité de sa population n’a pas le strict minimum pour vivre décemment. Ces deux exemples suffisent à démontrer qu’il est illusoire pour un pays pauvre, qu’il soit grand ou petit, de sortir du sous-développement dans le cadre du système capitaliste dominé par les puissances impérialistes.
En dehors de la Chine qui, grâce à la révolution paysanne de 1949 a permis à Mao Tsé Toung de se hisser au pouvoir et de bâtir un État fort, capable de résister à la pression des puissances impérialistes et de permettre à la bourgeoisie chinoise de se développer sous l’aile protectrice de l’État de Mao, aucun pays, fut-il de grande taille, ne s’est émancipé de la domination de l’impérialisme.
Cependant, derrière les grandes tours rutilantes qui ont été bâties un peu partout dans les grandes villes industrielles de la Chine, il y a des millions de personnes qui vivent dans la pauvreté. Certes, la Chine est capable d’envoyer des fusées sur la lune, de concurrencer les grandes puissances occidentales dans les domaines de la haute technologie, mais sa classe ouvrière ne bénéficie pas de son développement économique, elle n’a même pas le droit de s’organiser librement pour défendre ses intérêts de classe.
Le mythe de la « troisième voie »
Certains intellectuels africains prétendent qu’il faut chercher une voie propre à l’Afrique qui ne serait ni le socialisme ni le capitalisme mais une « troisième voie ». Pour cela, disent-ils, il faut se référer à « nos propres valeurs africaines authentiques ». Ils se sentent d’autant plus encouragés dans le rejet du socialisme que les fossoyeurs de la seule révolution qui a porté le prolétariat au pouvoir en Russie en 1917 ont transformé ce jeune État ouvrier en une dictature féroce contre la classe ouvrière et contre tous ceux qui se battaient pour construire une société véritablement communiste.
En Afrique comme ailleurs, beaucoup de personnes parfois sincères peuvent alors penser que ni le capitalisme ni le communisme n’ont résolu les problèmes de l’humanité et que par conséquent, il faut chercher une troisième voie. Mais le système capitaliste ne laisse aucun choix aux exploités que celui de crever dans la misère ou celui de se révolter contre ses injustices. L’humanité n’a aucune autre voie pour sortir de l’impasse dans lequel le système capitaliste l’a acculée, que celle de son renversement.
Le leurre du combat contre le francs Cfa
Certains partisans du panafricanisme prétendent qu’en mettant simplement fin au franc Cfa, un héritage de la France coloniale, ça ira mieux pour les populations africaines. C’est se bercer d’illusions et tromper les populations, car que ce soit en Cfa, Dollar, Euro ou une nouvelle monnaie africaine, qu’est-ce que ça change si le maigre salaire que touchent les travailleurs ne leur permet pas de nourrir leurs familles et de se loger correctement ? Qu’est-ce que ça change pour le petit paysan d’échanger sa récolte en Cfa ou autres monnaies si le prix de sa sueur ne parvient pas à le faire vivre ?
En réalité, la vie des travailleurs et de tous ceux qui sont écrasés par le système capitaliste n’intéresse pas du tout ces petits bourgeois qui prétendent avoir des solutions contre les méfaits de la domination des puissances occidentales sans remettre en cause le système capitaliste qui est à la base de cette domination.
Les États unis d’Afrique ne peuvent être que socialistes et prolétariens !
Les révolutionnaires communistes, sont absolument partisans de l’abolition des frontières qui divisent les populations. Ils sont pour les États Unis d’Afrique mais pensent que seule la révolution communiste prolétarienne permettra de réaliser cette unité. Ils ne sont pas panafricanistes, car le panafricanisme est une idéologie qui veut masquer la véritable cause de l’exploitation et de l’oppression, le capitalisme. Il entretient la dangereuse illusion qu’il existe un intérêt commun à tous les africains, intérêt qui serait lié à la couleur de la peau ou au continent d’origine. Les tenants de cette idéologie refusent de voir que le capitalisme a transformé la planète en une seule et unique entité économique où tous les pays sont interdépendants. Aux chimères panafricanistes, nous opposons le communisme, c’est-à-dire la mise en commun de toutes les richesses de la société, des moyens de les produire et de les répartir. C’est le prolétariat seul qui sera capable de bâtir cette nouvelle société car lui n’a rien à gagner dans le maintien du système capitaliste et de ses frontières. Les bidonvilles où s’entassent des travailleurs, des paysans déracinés, où se mélangent des ethnies et se côtoient des peuples de différents pays pourraient être un terreau fertile pour propager les idées révolutionnaires internationalistes. Aujourd’hui nos dirigeants s’en servent pour attiser des tensions, pour multiplier les affrontements afin de détourner la colère des masses pauvres. Mais de là pourraient aussi naître des forces capables de les balayer eux et leur système qui repose sur l’exploitation, la division et l’oppression.
Voilà pourquoi il est vital de renouer avec l’internationalisme prolétarien, idée défendue par les premiers socialistes selon laquelle « les prolétaires n’ont pas de patrie » et qu’ils doivent s’unir pour renverser le capitalisme.