Éditorial

Au Sénégal comme ailleurs, l’avenir des travailleurs ne se décide pas dans les urnes mais par leurs luttes

06 avril 2024

Les populations pauvres au Sénégal ont fêté dans la liesse l’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence et la chute du président Macky Sall qui ne voulait pas lâcher le pouvoir.

Dans ce pays-là comme ici en Côte d’Ivoire, la situation des travailleurs et des pauvres ne cesse de s’aggraver d’année en année. Le coût de la vie augmente alors que le chômage touche toutes les familles. La majorité de la population vit de petits métiers ou d’un travail précaire comme journalier, avec un salaire de misère qui ne permet pas de vivre dans la dignité. Comme en Côte d’Ivoire, la grande majorité des travailleurs sont contraints d’habiter dans des bidonvilles et des quartiers précaires. C’est la raison pour laquelle de nombreux jeunes tentent de fuir cette misère pour rejoindre l’Europe, en traversant la mer sur des pirogues, au risque de leur vie.

Durant la campagne électorale, Diomaye Faye et son parti le Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) ont dit qu’ils lutteront contre la cherté de la vie, créeront des emplois et combattront la corruption. C’est-là une chanson bien connue de tous les bonimenteurs qui cherchent à accéder à la mangeoire gouvernementale.

Au début, il fera peut-être bien un petit geste en abaissant, ici le prix du riz, là celui  de l’électricité. Mais tout cela sera bien éphémère et dérisoire comparé au fossé qu’il y a entre les bas salaires, les bas revenus de la majorité de la population et la hausse vertigineuse du coût de la vie survenue lors de ces dernières années.

Alors, autant dire que les travailleurs et les populations pauvres du Sénégal perdront assez vite leurs illusions. Beaucoup se souviennent encore de l’enthousiasme et de l’espoir qu’avaient suscité l’arrivée au pouvoir de « l’opposant » Abdoulaye Wade après son élection en avril 2000. Durant sa campagne électorale celui-ci avait promis monts et merveilles, mais une fois au pouvoir tout a continué comme avant. Il n’y a eu ni amélioration des conditions d’existence des travailleurs, des petits paysans et des chômeurs, ni véritable lutte contre la corruption, ni meilleure « gouvernance » comme promis. Les proches de Wade, à commencer par son propre fils Karim, ont été les premiers à s’en mettre plein les poches.

Quelques mois plus tard, en octobre 2000, ce sont les travailleurs et les populations pauvres de Côte d’Ivoire qui ont vu l’arrivée au pouvoir de Gbabgo. Celui-ci se disait « socialiste » et avait subi la prison et l’exil au temps de la dictature d’Houphouët Boigny. Mais une fois au pouvoir, c’est aux travailleurs qu’il a demandé de se serrer la ceinture, pendant que de l’autre côté il gavait les riches locaux et surtout les capitalistes des pays impérialistes, notamment les banquiers !

Qu’ils soient en treillis militaires, arrivés au pouvoir par un coup d’État comme récemment au Mali, Burkina, Faso Niger puis au Gabon, ou des civils bon teint comme Diomaye Faye au Sénégal, ces hommes sont animés avant tout par leur ambition d’être au sommet de l’État et de bénéficier des privilèges de leur poste. Tant qu’ils ne s’opposeront pas véritablement aux intérêts des grands capitalistes, notamment à ceux des grandes puissances impérialistes, ils seront tolérés par ces derniers. En tout cas, les travailleurs et tous les laissés-pour-compte de cette société capitaliste ne peuvent pas compter sur ces dirigeants-là pour mettre fin à la misère et à l’oppression qui découlent de la domination du capitalisme à l’échelle mondiale.

Voilà pourquoi les paroles de Karl Marx proclamant que « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes », restent d’une grande actualité. C’est, munis de cette conscience et de la confiance en leurs propres forces que les travailleurs doivent construire leur organisation politique et préparer leur combat à mort contre la bourgeoisie qui les exploite. En luttant pour leur émancipation, ils libéreront l’ensemble de la société écrasée par ce système basé sur la loi de l’exploitation et du profit individuel et qui sème la misère et la guerre aux quatre coins de la planète.