Leur société – « Les microbes, c’est vous les riches qui cassez nos habitations, juste pour vous enrichir davantage ! » (Parole d’une victime révoltée par le déguerpissement qu’elle a vécu)

09 mars 2024

Pour déloger les pauvres de leurs habitations et éloigner la misère le plus loin d’Abidjan, l’État a entrepris une nouvelle série de destructions massives de nombreux quartiers qui étaient jusque-là épargnés. C’est ainsi que du jour au lendemain, les quartiers Boribana à la périphérie du Plateau, celui de Banco 1 à Attécoubé et Gesco à Yopougon ont été littéralement rasés de la carte, avec l’appui massif des forces armées. Les espaces ainsi libérés permettront notamment à des promoteurs immobiliers de s’enrichir en y bâtissant des résidences et des hôtels de luxes !

D’autres quartiers sont également dans le collimateur du gouvernement mais celui-ci a été momentanément forcé d’arrêter sa sale besogne, de crainte que la colère suscitée n’entraîne une révolte généralisée des travailleurs et des pauvres.

« L’État a détruit nos maisons, comme si c’étaient des poulaillers ! », s’était écriée une femme en colère. Et après cela, expliquait-elle, des hauts dignitaires de l’État, des hommes politiques, viennent « distribuer des sacs de riz », comme si nous étions « des mendiants, des réfugiés de guerre ou des poulets » !

Cet exemple montre que l’État est clairement-là pour défendre les intérêts des riches et des exploiteurs, contre les travailleurs et les pauvres. En s’attaquant à eux, le gouvernement est donc pleinement dans son rôle, de même que les forces armées, la justice et l’administration. Les politiciens de tout poil peuvent alterner entre le pouvoir et l’opposition, mais cela ne change rien à leur fonction essentielle qui consiste à maintenir l’ordre capitaliste et défendre les intérêts généraux de la bourgeoisie.

Du côté du pouvoir, Bacongo est chargé de la destruction des quartiers ; les forces de l’ordre, de frapper les pauvres qui se révoltent. Ensuite, Bictogo fait semblant de venir en aide en distribuant du riz à ceux contre qui le gouvernement qu’il soutient, fait la guerre. Pendant ce temps, du côté de l’opposition, les dirigeants (Gbagbo, Thiam et consorts), passent dans les quartiers démolis pour « voir la misère » et font semblant de verser quelques larmes sur les sinistrés, dans l’espoir caché que les gens se souviendront d’eux le jour des élections pour leur permettre de passer à leur tour à la mangeoire.

On a eu droit aussi à un message plein d’hypocrisie du sommet de l’État, quand Ouattara, craignant que la révolte des victimes des opérations de déguerpissement ne vienne troubler son train-train présidentiel et les bonnes affaires des capitalistes, a demandé à ses sous-fifres de « faire preuve de solidarité et d’humanisme dans le cadre de ces opérations ». Autrement dit : « messieurs, continuer le travail et détruisez tous ces poulaillers. Mais attention que des pauvres enragés ne viennent pas gâter nos affaires » !

Sa principale préoccupation est en effet que les « affaires » des capitalistes et des gros bonnets qui gravitent dans et autour de l’État, ne soient pas perturbées par une éventuelle réaction collective des victimes des destructions d’habitats. Ce sont des familles ouvrières et populaires qui sont condamnées à vivre dans des endroits précaires et parfois dangereux parce que l’État est incapable de construire des logements décents avec des loyers accessibles à leurs petits revenus. Elles sont aussi victimes des salaires de misère qui sont de règle dans ce pays que le gouvernement et les médias à sa solde veulent présenter comme un endroit où il fait bon vivre.

Mais ici, les travailleurs et les familles sont traités comme des délinquants en puissance. Aux yeux des capitalistes, ils ne sont rien d’autres qu’une masse de main-d’œuvre, des esclaves salariés, du travail desquels ces exploiteurs s’enrichissent sous les ailes protectrices du gouvernement.

Cela sera ainsi tant que les travailleurs ne mettront pas fin à ce système qui ne profite qu’à une minorité de parasites pendant que la grande majorité qui produit les richesses s’enfonce dans la misère et est condamnée à habiter dans la boue et dans l’insalubrité.