À propos des réactions et discussions suite à la disparition de Mandela

13 février 2014

Afrique du sud

La mort de Nelson Mandela a suscité de vives réactions élogieuses dans le milieu de la petite bourgeoisie africaine en France, comme en Afrique. Pour ces gens-là Mandela était un « grand visionnaire », un « héros », un « modèle », etc. C’est un homme comme lui, disent-ils, qu’il faut en Afrique. Nous, en tant que communistes révolutionnaires, nous n’avons pas la même vision qu’eux, car du point de vue des intérêts politiques du prolétariat, la pensée et l’action politique de Mandela et de l’ANC ne sont pas du tout des modèles à suivre, bien au contraire.

Il est vrai que Mandela, à la tête de l’ANC (African national congress) un parti nationaliste, symbolisait la lutte des centaines de milliers de Noirs, hommes, femmes et enfants contre l’Apartheid, un système politique inique imposé par une minorité de Blancs, pour maintenir la majorité des Noirs dans la soumission. Les Noirs qui forment de très loin la majorité écrasante de la population sud-africaine, luttaient donc pour leur liberté et leur dignité. Ils voulaient que les Blancs les considèrent comme des hommes à part entière ; ils voulaient l’égalité des droits entre Blancs et Noirs.

Mandela s’en tenait à cette lutte-là. Son objectif n’était pas de défendre les intérêts de classe du prolétariat noir. Or les travailleurs constituaient le fer de lance des mouvements contestataires contre l’Apartheid.

La bourgeoisie blanche, avait pris peur devant l’ampleur de la mobilisation ouvrière; peur que ce mouvement de contestation de l’Apartheid ne débouche sur la mise en cause de l’exploitation féroce des ouvriers par des compagnies comme De Beers (diamant), Harmony et Gold Fields (or) ou Sasol (charbon) ; exploitation par laquelle cette bourgeoisie s’est enrichie pendant des décennies. Pour elle, le seul moyen d’arrêter ce mouvement, c’est de libérer Mandela qui se trouvait en prison avec d’autres leaders de l’ANC, et de négocier avec lui. C’est ce qu’elle fit. Les négociations avaient commencé alors que Mandela se trouvait encore en prison ; elles avaient continué après sa libération. Au cours de ces années de négociations, la bourgeoisie testait déjà la volonté de l’ANC et de Mandela de protéger ce qui était l’essentiel pour les capitalistes, à savoir : la possibilité de continuer de s’enrichir par l’exploitation des travailleurs dans les mines, les usines ou dans les grandes exploitations agricoles.

Mandela et les siens, en acceptant de s’asseoir autour d’une même table pour négocier avec des représentants de l’Apartheid, en acceptant certaines concessions de la bourgeoisie blanche, ont sacrifié les intérêts de la classe ouvrière sud-africaine. Contre ces concessions telles que la reconnaissance officielle de l’ANC, la suppression de la ségrégation raciale officielle, la promesse de permettre à une toute petite minorité de bourgeois noirs et de la petite bourgeoisie noire de jouir des privilèges jusque-là réservés aux seuls Blancs, Mandela et les siens ont dévoyé la lutte des travailleurs en faisant tout pour qu’elle n’aboutisse pas sur la remise en cause des fondements du système capitaliste.

Malheureusement, il n’existait pas dans ce pays un parti révolutionnaire communiste ayant une influence dans l’aile combative du prolétariat noir pour offrir une autre voie, un autre débouché politique à la lutte des travailleurs et de l’ensemble de la population pauvre, que celle proposé par l’ANC. La bourgeoisie blanche a finalement trouvé en Mandela son sauveur quoi qu’ait pensé de lui une grande partie des Blancs racistes qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez.

Rien qu’à voir les représentants de l’impérialisme et des dictateurs africains, au pouvoir ou à la retraite se précipiter à Pretoria pour lui rendre hommage, cela montre bien que Mandela faisait partie de leur monde.

Mandela représente peut-être un modèle pour certains petits bourgeois à la recherche d’un « héros » africain reconnu comme tel par tous les dirigeants de ce monde. Mais pour les travailleurs, ce qu’il faut c’est un parti communiste révolutionnaire pour que leurs luttes futures ne soient pas dévoyées vers des voies de garage.