Éditorial

Sénégal : une coupure d’eau qui illustre l’incapacité du gouvernement à assurer le minimum de service utile à la population

21 février 2014

Une grande partie de l’agglomération dakaroise a été privée d’eau potable suite à une panne survenue le 12 septembre dans le réseau de distribution. Ce n’est pas la première fois que les habitants des quartiers populaires subissent des coupures d’eau ou d’électricité mais cette fois-ci c’en était de trop, c’était « la pire depuis l’indépendance », de l’aveu-même des autorités, alors qu’au tout début de la coupure, le ministre de l’Hydraulique parlait d’un simple « incident ».

Plus d’un million et demi de personnes ont souffert le calvaire durant près de trois semaines pour parvenir à trouver quelques litres d’eau potable. Les robinets sont restés désespérément fermés dans les quartiers populaires alors que dans les quartiers résidentiels l’eau a coulé 24 heures sur 24. Le gouvernement dit que cette panne est due à une canalisation qui a cédé. Mais alors pourquoi ce sont les quartiers populaires qui sont précisément touchés si ce n’est une volonté délibérée de dévier le peu d’eau disponible vers les quartiers résidentiels? A chaque fois qu’il y a une coupure d’eau ou d’électricité, ce sont principalement les quartiers pauvres qui sont touchés en premier. Cela démontre qu’il y a deux poids deux mesures. Les autorités font toujours le choix de privilégier le bien être des familles riches au détriment de la population des quartiers pauvres qui subissent déjà l’insalubrité, l’absence de voirie, de canalisation d’eaux usées et les inondations provoquées par les pluies.

Depuis des années, tous les gouvernements qui se sont succédé dans ce pays ont laissé pourrir la situation, aussi bien dans le domaine de l’approvisionnement en eau potable que dans celui de l’électricité. La population de Dakar et de ses environs n’a cessé de s’accroitre tandis que les infrastructures ont été laissées à l’abandon. La SONES, la SDE et la SENELEC se sont contentées d’encaisser les factures sans s’occuper du reste. Alors que les coupures se faisaient de plus en plus fréquentes les autorités ont fait semblant d’y remédier.

Aujourd’hui c’est la grosse panne. La population est en colère, à juste titre, car comment tolérer que des centaines de milliers de citadins n’aient d’autres solutions d’avoir de l’eau qu’en allant courir à gauche et à droite avec une bassine sur la tête pour trouver un point d’eau? Dans les quelques rares endroits où l’on peut trouver un robinet, il y a une queue énorme. Les gens se bousculent et s’énervent. Une femme enceinte est décédée suite à ces bousculades. Des ouvriers envoyés pour réparer la canalisation défectueuse ont été blessés lors d’un accident survenu en cours de réparation. Des manifestations de mécontentement ont commencé dans quelques quartiers, devant les agences de distribution de l’eau.

Devant l’exaspération de la population, le gouvernement a finit par avouer son impuissance en demandant de l’aide à la France. Comment qualifier un État incapable de réparer une canalisation d’eau potable? Comment se fait-il que c’est aujourd’hui seulement que les dirigeants font mine de s’en apercevoir? Rien que cela est déjà révoltant. Après plus de trois semaines, la panne n’est réparée qu’à titre provisoire; d’autres coupures sont à prévoir car le problème de fond demeure. Si on se contente de réparer ce qui est gâté sans penser à de nouvelles installations à la hauteur des besoins de la population d’une grande agglomération comme Dakar on ne fait que mettre un emplâtre sur une jambe de bois.

Ce qui est vrai pour la question de l’approvisionnement de l’eau potable l’est aussi pour celui de l’électricité, tout comme pour les autres services publics utiles à la vie quotidienne de la population (la voirie, l’école, la santé, le logement, etc.). La seule chose qui pourrait amener le gouvernement à agir promptement en faveur des populations laborieuses c’est le coup de colère des quartiers populaires.