Éthiopie : les conséquences sanglantes de la politique ethniste
Depuis le mois de septembre dernier, en Éthiopie, des affrontements ont lieu entre les ethnies Oromo et Somali, dans les villes situées le long de la frontière entre les deux États-régions sur une longueur d’environ mille kilomètres. À la mi-septembre, des Oromos se sont plaints d’attaques opérées par des éléments de la police de l’État-région Somali. Il y a eu 32 victimes. De leur côté, des Oromos ont fait des excursions punitives, ce qui a fait encore 29 morts. Les autorités du gouvernement central ne sont pas intervenues rapidement pour calmer les affrontements. Il faut croire que cette situation d’opposition ethnique les arrange.
Après la chute du dictateur Mengistu en 1991, le pays a été dirigé par la minorité ethnique des Tigréens. Les nouveaux dirigeants du pouvoir ont décidé de créer une fédération de neuf États-régions, chaque région devant être habitée par une seule ethnie et chaque ethnie doit vivre dans sa région. C’est la première fois dans son histoire que ce pays est partagé en subdivisions régionales et ethniques. Cela a posé beaucoup de problèmes à la population. Au début, bien des gens ont dû se résoudre à quitter le lieu où ils habitaient pour rejoindre la région de leur ethnie. Les grandes villes comme Harar, Dire Dawa et Addis Abeba ont un statut de ville-État où peuvent vivre toutes les ethnies.
Dans le pays les Oromos sont les plus nombreux (35% de la population) ; viennent ensuite les Amharas (26%). Les Tigréens ne font que 6% mais le pouvoir central est majoritairement entre les mains des ressortissants de cette ethnie minoritaire. Cette confiscation du pouvoir est contestée par les autres ethnies.
La subdivision du pays d’après les critères ethniques est devenue une des causes principales d’affrontements. L’Oromia est réputée pour son instabilité. Le gouvernement central réprime férocement ceux qui manifestent leur mécontentement dans la rue comme cela s’est passé l’année dernière et cela ne fait que mettre de l’huile sur le feu.
D’après les médias, les violences récentes ont commencé pour l’accès aux ressources en eau et à la terre. Autrefois les conflits se réglaient à l’amiable entre les populations, maintenant chaque ethnie profite de la plus petite occasion pour se soulever, non pas contre l’État qui en est la cause, mais contre sa voisine.
Les Oromos ont montré une certaine détermination pour lutter quand l’État s’est accaparé des terres les plus fertiles pour les vendre à des capitalistes de l’agroalimentaire. Les paysans ont été chassés vers des terres moins fertiles.
Il ne faut pas être devin pour prévoir que cette façon de subdiviser le pays ne peut qu’aggraver les oppositions ethniques. À chaque fois la moindre étincelle déclenche le feu. Les affrontements entre les deux ethnies auraient déjà causé plusieurs centaines de morts. Il est cependant difficile de connaître le chiffre exact.
Dans cette situation, les victimes sont les populations pauvres de part et d’autre des frontières artificielles qui les séparent. Les riches bourgeois de chaque ethnie sont bien protégés dans leurs palais ; ils ne risquent rien.
Ce déchirement interethnique n’est pas une fatalité. Les travailleurs des villes et des campagnes, n’ont aucun intérêt à s’entretuer tout simplement parce qu’ils ne sont pas de la même ethnie. Leur intérêt est plutôt de s’unir contre l’oppression et l’exploitation capitaliste. Ceux qui les exploitent se moquent de savoir de quelle ethnie ils font partie car la seule chose qui les intéresse c’est le profit qu’ils peuvent tirer de l’exploitation de ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre. Il est plus qu’urgent que l’ensemble des travailleurs de ce pays se dotent d’une organisation au-delà des clivages ethniques pour s’opposer à la politique des dictateurs de l’Éthiopie.