Le nouveau code de la famille : un ravalement de façade qui ne changera pas grand-chose à la condition de la femme dans la société
CÔTE D’IVOIRE
En Côte d’Ivoire, le « code de la famille » a été modifié sur quelques articles de droit pour, selon le gouvernement, promouvoir l’égalité de droit entre l’homme et la femme. Mais le simple fait de parler d’égalité de droits fait déjà grincer des dents dans certains milieux réactionnaires comme ceux des religieux de tout bord.
Voici quelques exemples de ces modifications :
Auparavant, il était stipulé que « le mari est le chef de la famille ». Désormais, il est écrit que « la famille est gérée conjointement par les époux, dans l’intérêt du ménage et des enfants ». Cet article est particulièrement combattu avec acharnement par les traditionalistes de divers horizons pour qui l’homme est et demeure le chef de famille. C’est sacrilège pour eux de toucher à ce pilier de la société.
«Les biens communs, autres que les gains et revenus des époux, sont administrés par l’un ou l’autre des époux », selon le nouveau texte. Auparavant, il était libellé ainsi : « le mari administre seul tous les actes d’administration ou de disposition sur les biens communs». Dans les faits, c’est généralement celui ou celle qui apporte les fonds qui peut se prévaloir de les administrer. Dans une société où encore de nombreuses femmes n’ont pas de revenu, cette loi ne peut concerner que certaines d’entre elles. Dans son ancienne version, l’essentiel des charges du foyer pesaient sur le mari. La nouvelle version répartit les dépenses sur les deux conjoints. Le mari peut poursuivre sa femme si elle ne participe pas aux charges du ménage. Cet article ne fait que s’adapter à l’évolution de la vie car bien des femmes contribuent déjà financièrement aux charges du foyer.
Concernant le « domicile conjugal » : Il doit être choisi d’un commun accord selon la nouvelle formule alors qu’auparavant, la décision revenait au seul époux. Dans les faits, c’est très souvent le mari qui choisit le lieu de résidence.
Selon le nouveau code « Chacun des époux a le droit d’exercer la profession de son choix, à moins qu’il ne soit judiciairement établi que l’exercice de cette profession est contraire à l’intérêt de la famille ». C’est une avancée certes, mais seulement sur le papier car la société trouve normal que la femme suive son mari là où il travaille ou qu’elle quitte son travail s’il le lui demande. Il faut le courage de certaines pour garder leur travail.
L’incapacité physique de consommer le mariage ou l’impossibilité de procréer de l’un des deux époux, est désormais motif de nullité du mariage. En effet il est formulé que « le consentement (au mariage) n’est pas valable si celui qui l’a donné ignorait l’incapacité physique de consommer le mariage ou l’impossibilité de procréer de l’autre époux, connu par ce dernier avant le mariage ».
Si cette disposition prétend pallier une insuffisance dans une société où la stérilité est un sujet tabou, la loi n’indique pas par quel mécanisme les époux doivent prouver, avant leur mariage, leur capacité à procréer ou à consommer le mariage. Surtout que pour les religieux, il est défendu d’avoir des rapports sexuels avant le mariage. C’est un casse-tête !
Des lois concernant la protection des femmes existent ici et là. Mais le plus souvent, même ce peu de droits n’est pas respecté car l’État ne se donne même pas les moyens de le faire appliquer. Leur mise en œuvre se heurte parfois à la résistance de certaines pratiques coutumières, à l’obscurantisme ambiant qui place les femmes et les filles au bas de l’échelle.
Jusqu’à présent, les mutilations génitales féminines continuent d’être pratiquées dans certaines régions ou dans certaines familles alors que des lois répressives existent sur le papier. Non seulement l’État lui-même ne fait pas assez pour propager l’existence de ces lois sur le terrain mais en plus il ne les applique pas dans toute leur rigueur.
Certaines écoles ou certains métiers sont de fait réservés aux hommes. Dans les entreprises comme dans l’administration publique, des femmes sont soit licenciées, soit disqualifiées pour certains postes pour cause de grossesse. À travail égal, le salaire est loin d’être égal entre les hommes et les femmes. Elles sont, en outre, les premières victimes du harcèlement sexuel au travail.
Quant à la violence conjugale, elle est souvent considérée comme une affaire privée. Combien de femmes meurent sous les coups de leurs conjoints ? Ces violences sont d’autant plus dévastatrices qu’elles sont souvent tues. Briser le tabou et renoncer au silence, c’est s’exposer au risque d’être rejetée par les siens, humiliée par la société, stigmatisée ou discriminée.
L’oppression de la femme est profondément ancrée dans la société au point que de nombreuses personnes (y compris les victimes) finissent par considérer que c’est quelque chose de normale et d’immuable. Changer tout simplement les lois ne suffira pas pour transformer les réalités quotidiennes même si celles et ceux qui veulent s’engager dans la défense des droits de la femme peuvent s’appuyer sur ces lois pour mener des combats sur des cas particuliers. Mais la libération de la femme, la fin de son oppression, est intimement liée à la lutte générale de l’ensemble des exploités contre la société capitaliste. C’est en mettant fin à cette société basée sur l’exploitation de l’homme par l’homme que les travailleurs, hommes et femmes ensemble, mettront fin à toutes les formes d’oppression. En donnant à tous la possibilité et les moyens adéquats de vivre décemment, de s’éduquer et de se cultiver, la nouvelle société débarrassée du capitalisme ouvrira de nouveaux horizons et établira une nouvelle base de relation entre les hommes et les femmes et de manière générale entre tous les humains.