Le procès houleux de l’ex-capitaine putschiste Sanogo fait peur au pouvoir

13 décembre 2016

Mali

Depuis le 30 novembre dernier a débuté le deuxième procès d’Amadou Haya Sanogo. Il s’agit de l’ancien capitaine de l’armée malienne qui a renversé l’ex-président Amadou Toumani Touré, le 21 mars 2012. Sanogo n’est resté au pouvoir que quelques semaines puisque le 12 avril de la même année, il a été écarté sous la pression de la France, ancienne puissance coloniale, au profit de Dioncounda Traoré devenu président par intérim et chargé de procéder à une élection. Le capitane Sanogo a été néanmoins bombardé « général de corps des armées » par son successeur avant d’être inculpé de « meurtres et assassinats » puis écroué à la suite d’un premier procès qui a eu lieu à Bamako le 27 novembre 2013.

Depuis son arrestation, des enquêteurs ont découvert un nouveau charnier dans lequel ses partisans avaient enterré le corps des soldats qui avaient tenté de faire un contrecoup d’État.

Avec ce nouveau fait aggravant, le gouvernement malien a donc décidé de le juger, lui et 16 de ses partisans, une deuxième fois. Mais cette fois-ci, le pouvoir a préféré que le procès ait lieu à Sikasso, ville située à environ 400 kilomètres de la capitale. La raison est que l’ancien putschiste continue de bénéficier d’une certaine sympathie d’une partie de l’armée ainsi qu’au sein de la population.

La tenue du procès à Bamako aurait pu mal tourner contre l’actuel président IBK (Ibrahim Boubacar Keïta) dont la popularité est au plus bas du fait de son incapacité de faire face à la rébellion dans le nord du pays. Une partie de plus en plus importante de la population lui reproche sa « mollesse » envers les mouvements armés touareg et réclame une intervention militaire plus accrue à la place des accords de paix qui restent sans lendemain. Ce même sentiment existe aussi au sein de l’armée dont certains cadres se disent prêts à en découdre avec la rébellion touareg.

Malgré l’éloignement du procès à Sikasso, de nombreux sympathisants de Sanogo ont fait le déplacement pour y assister. Certaines rues de la ville ont été ornées de portraits du principal accusé. Le tribunal étant trop petit pour accueillir autant de monde, les autorités ont décidé de faire le procès dans la salle de spectacle pouvant contenir 1000 personnes. Les interventions de Sanogo étaient tellement applaudies par la foule que les juges ont dû reporter deux fois la séance. La dernière a eu lieu le vendredi 2 décembre mais les conclusions n’ont pas encore été rendues publiques.

Manifestement, le pouvoir d’IBK craint Sanogo même s’il est encore sous les verrous. L’armée est la seule force sur laquelle l’actuel président peut s’appuyer mais elle a mainte fois démontré depuis le renversement du premier président civil malien Modibo Keïta (renversé en 1968 par Moussa Traoré, alors lieutenant), que c’est aussi elle qui fait et défait le pouvoir par des coups d’État, sous la surveillance de Paris.