Les classes pauvres manifestent contre la vie chère

25 mai 2020

Soudan

Amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, le Soudan connaît une crise sans précédent. Le pays est en plein marasme économique : manque de pain dans les boulangeries, moyens de transport presque inexistants, manque d’essence dans les stations-service, d’argent dans les banques. Les prix des médicaments sont hors de portée de la bourse des petites gens (ils ont augmenté de 50% ces derniers mois), l’inflation est galopante (plus de 200%), etc.

Aussi le mécontentement des classes pauvres gronde, éclate parfois, et prend souvent une tournure politique. Ainsi depuis plus deux semaines les manifestations se poursuivent au Soudan contre la décision antisociale du gouvernement d’Oumar El Béchir d’augmenter ce matin du 18 décembre le prix du pain -un aliment de base???-de 1 à 3 livres soudanaises (2 à 6 centimes d’euros). Le soir même de cette annonce, des centaines de personnes (des jeunes pour la plupart) qui sortaient d’un match de football à Omduman, ville jumelle de Khartoum, ont manifesté dans la rue au cri de « Liberté, paix, justice ». Comme une traînée de poudre, les manifestations ont embrasé presque toutes les grandes villes du pays.

Le 20 décembre à Atabara, ville située à l’est du pays où le siège du parti au pouvoir, le Congrès national, a été incendié, les forces antiémeutes sont intervenues brutalement sur des manifestants ; elles les ont aspergés de gaz lacrymogène, elles ont tué deux personnes. Le lendemain à Khartoum la capitale, des manifestants ont scandé dans les rues des mots d’ordre appelant à la chute du régime. Le 23 décembre, ils ont enflammé des pneus dans des rues d’Oum Rawaba (État du Kordofan au Nord). Le 24 décembre, un groupement de médecins soudanais a appelé à la grève, assurant qu’ils n’inter-viendraient qu’en cas d’urgence ; le 31 décembre, l’Association des professionnels soudanais (APS) a appelé également la population à manifester en masse dans les rues (…).

Dans tout le pays, la répression a fait 22 morts et 1.100 arrestations selon l’opposition soudanaise incarnée par l’Association de professionnels (APS). Pour les autorités, il y a eu 8 morts et 816 arrestations. Le dictateur Oumar El Bechir arrivé au pouvoir par un coup d’État il y a 30 ans (en1989) cherche à couper la tête du mouvement. Mais cela n’a fait que jeter de l’huile sur le feu. Les manifestations et les grèves continuent.

Si pour le moment ces manifestations qui embrasent le pays n’ont pas encore suffi à « chasser » le dictateur Oumar El Béchir, il vit néanmoins avec la peur au ventre de tout perdre : son pouvoir et les prérogatives inhérentes à sa fonction.

Des travailleurs se sont mis en grève. Eux aussi en ont ras-le-bol de cette vie de plus en chère. Mais ce mouvement populaire est bien loin de leurs aspirations à un mieux-être.