Pour détourner la colère des victimes de la crise les dirigeants cherchent des boucs émissaires
Madagascar
Le monde du travail est frappé de plein fouet par l’inflation : pendant que l’Ariary (monnaie nationale) dégringole, les salaires ne sont pas indexés sur les prix. Actuellement il ne se passe pas de semaine sans que les prix des denrées de base ne montent en flèche sur les étals des petits vendeurs des marchés, devenant hors de portée pour les familles modestes. L’ambiance est « chaude » dans tout le pays, à commencer par les grandes villes, la crise économique pourrait déboucher rapidement vers une explosion de colère de la population pauvre.
Les gens qui dirigent le pays sont, comme partout ailleurs, au service des riches et des possédants. Andry Rajoelina n’a aucun moyen d’éviter la crise, son objectif est de se maintenir coûte que coûte au pouvoir pour gouverner au mieux dans le sens des intérêts des riches capitalistes, pourvu que son clan et lui puissent continuer à s’en mettre plein les poches avec l’argent de la corruption.
Il vient récemment de procéder à un mini remaniement ministériel allant dans le sens d’un durcissement. Il y avait déjà pas mal de képis et de galonnés dans les allées du pouvoir, il en a rajouté : un colonel de gendarmerie vient d’être nommé ministre des Travaux publics ; le rôle qui lui a été dévolu est de mener à la baguette les travailleurs relevant de son ministère mais aussi de disperser par la violence les gens qui encombrent les ruelles et leurs abords, chassés de leur domicile par la misère, la sècheresse, les inondations et les cyclones.
La militarisation et la répression ne s’arrêteront pas aux portes des villes puisqu’une intense opération de « sécurisation des routes » est en cours. Beaucoup de personnes en errance, qui ne possèdent pas forcément de pièces d’identité, sont arrêtées, accusées à tort et à travers d’être des « dahalo », des « malaso » (sortes de bandits coupeurs de routes).
Non à la mise à l’index des plus vulnérables, liberté de circulation et d’installation pour tous !
Parmi les populations les plus en difficulté il y a les natifs de l’Androy, région en voie de désertification située dans le Sud-ouest. En proie à la famine endémique consécutive aux nombreuses années de sécheresse, beaucoup d’entre eux émigrent vers les grandes villes dans lesquelles ils exercent les boulots les plus ingrats et les plus mal rémunérés.
Souvent lorsqu’une personne est agressée, lorsqu’un vol ou un attentat est commis, ce sont ces migrants du Sud qui sont pointés du doigt. Le climat de psychose savamment entretenu par les classes riches et par les autorités s’amplifie par la rumeur. Voici ce qui s’est produit fin mars à Mahajanga. Le gouverneur de la région de Boeny, le préfet de la ville ainsi qu’un député du district, ont convoqué d’urgence les représentants des natifs de l’Androy et les ont sommés de rassembler leurs membres afin, ont-ils dit, « de coopérer avec les leaders et la police locale pour rétablir la paix qui existait ici auparavant ». L’affaire est en cours, cela peut s’arranger à l’amiable, cela peut aussi se terminer par des passages à tabac, des arrestations plus ou moins arbitraires et des amendes.
L’actuel président Andry Rajoelina ainsi que les autres leaders en compétition préélectorale sont trop rusés pour se salir personnellement les mains, ils peuvent même faire mine de s’en offusquer. Pour ne pas se mettre à dos des électeurs potentiels, ils laissent le sale boulot à des subalternes. Il n’en reste pas moins que le système qu’ils dirigent ou cherchent à diriger, est fondamentalement anti-pauvres.