Mali – La population face à la violence des bandes armées et à la dictature militaire

22 novembre 2025

Depuis le début du mois de septembre 2025, le Mali est confronté à une série d’attaques des groupes armés islamistes liés à Al-Qaida et à l’organisation État islamique (EI). En bloquant les camions-citernes venant des ports pétroliers du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, ils veulent créer un chaos dans les grandes villes du Mali, particulièrement dans la capitale.

Les stations essence sont désespérément vides, véhicules et motos font de longues queues pour recevoir quelques litres, certains y passent la nuit en espérant l’arrivée hypothétique d’un camion-citerne. Les bandes armées sèment la terreur et n’hésitent pas à tirer sur les conducteurs et leurs apprentis. Les syndicats des chauffeurs routiers déplorent des morts, ils ont alerté plusieurs fois les autorités politiques et demandé la protection des forces armées mais n’ont eu aucun soutien. Aujourd’hui ils réclament des indemnisations pour les familles ayant perdu un des leurs.

Ce n’est qu’au bout de plusieurs semaines que le gouvernement a détaché des soldats pour sécuriser les convois de camions-citernes. Quelques rares d’entre eux arrivent ainsi à ravitailler les stations mais c’est loin d’être suffisant par rapport aux besoins.

Ce blocus a de lourdes conséquences sur la vie des habitants. L’essence se vend au marché noir à des prix très élevés. Le prix des transports a doublé, qu’il s’agisse de transports collectifs ou de motos-taxis, à tel point que de nombreux habitants renoncent à se déplacer. Toute l’économie en est désorganisée. Les entreprises et les services publics ne fonctionnent plus, les écoles ont fermé pendant deux semaines à Bamako faute d’enseignants et d’élèves. Dans l’ensemble du pays, ce sont 2 000 écoles sur un total de 9 000 qui n’accueillent plus les élèves.

Dans les marchés populaires de Bamako, les denrées alimentaires de bases se font rares et les prix montent. Les légumes qui viennent habituellement de la banlieue de Bamako ont presque disparu des étals faute de moyens de transport mais aussi à cause du fait que les moteurs qui servent à pomper l’eau du fleuve pour arroser les plantations ne fonctionnent plus faute de carburant.

Même si la pénurie ne touche pas toutes les denrées, les grands commerçants profitent de la situation en augmentant leurs marges. Pour les petites gens qui, même en temps ordinaire, ne parviennent pas à joindre les deux bouts, cette situation est un drame. Ce n’est pas le cas des privilégiés du régime et de la minorité riche qui, même s’ils sont gênés par cette pénurie de carburant qui perturbe le fonctionnement de leur administration et de leurs affaires, ils ne risquent pas de crever de faim !

Les représentants du gouvernement ainsi que les médias qui les soutiennent préfèrent nier la réalité. Ainsi, le ministre malien des Affaires étrangères a assuré qu’« il n’y a pas de blocus » mais de simples « perturbations » de l’approvisionnement de carburant. Un autre ministre, celui  des Affaires religieuses, a déclaré que « cette crise est en grande partie fabriquée et instrumentalisée par certains pays occidentaux ». Selon lui le gouvernement contrôle l’intégralité du territoire national. Certains médias proches du pouvoir ont affirmé que « les bastions djihadistes tombent les uns après les autres, de Kidal à Ménaka » et que ceux qui pensent que le Mali est en train de devenir une sorte d’ « Afghanistan africain », sont des « antipatriotes» qui s’adonnent à de la « manipulation et de la désinformation ».

Pendant ce temps le gouvernement d’Assimi Goïta continue de traquer les opposants à son régime. Certains sont déjà en prison, d’autres sont obligés de quitter le pays. Il a fait aussi le nettoyage dans son propre camp. C’est ainsi que onze officiers, dont deux généraux, des Forces armées maliennes (Fama), accusés d’avoir participé à un projet de « déstabilisation des institutions de la République », ont été récemment radiés.

Plus de trois ans après son arrivée au pouvoir, Assimi Goïta parle de moins en moins de sa promesse de rendre le pouvoir aux civils après une période de « transition » au bout de laquelle il organiserait une élection. Rappelons qu’en 2022, lorsqu’il a mis fin au régime dictatorial et corrompu de l’ex président IBK inféodé à l’impérialisme français, son coup d’État a été accueilli avec enthousiasme par la population malienne, mais celle-ci a largement eu le temps de réaliser que le régime de transition « provisoire » d’Assimi Goïta a tout l’air d’une « transition à vie » !

Aujourd’hui comme hier sous le gouvernement d’IBK, les populations de certaines régions éloignées de la capitale sont prises en étau entre l’armée malienne qui les accuse de collaborer avec les islamistes terroristes et ces derniers qui les accusent d’être du côté de l’armée malienne. Pour échapper à la violence des premiers et des seconds, plusieurs centaines de villageois ont été contraints de traverser les frontières et trouver refuge en Mauritanie, Côte d’Ivoire ou au Sénégal. Les conditions dans lesquelles ils se trouvent sont dramatiques car ils manquent de tout et en plus ils sont suspectés par les autorités des pays d’accueil d’introduire des partisans des groupes terroristes sur leur territoire, ce qui aggrave leurs conditions.

Les travailleurs, les petits paysans et tous ceux qui souffrent de la dégradation de leurs conditions de vie, du chômage, des bas salaires, de la cherté de la vie, de la corruption qui gangrène l’appareil d’État et son administration, et qui sont obligés de se taire pour échapper à la répression, ne peuvent compter que sur eux même, sur leurs mobilisations et leur détermination pour avoir une vie meilleure. Il existe des politiciens qui s’opposent au pouvoir d’Assimi Goïta et qui prétendent offrir une alternative à la population. Pour le moment, ils n’ont pas pignon sur rue et se font tout petit. Ils attendent qu’une éventuelle explosion de colère mette en difficulté le régime d’Assimi Goïta pour se hisser au pouvoir. Mais, que ses opposants soient des galonnés ou des civils, islamistes ou non, les travailleurs doivent s’en méfier comme de la peste. Depuis l’indépendance, en 1960, plusieurs de leurs semblables se sont succédé et ont imposé leur dictature, le sort de la population n’a fait qu’empirer. Seule la lutte des travailleurs des villes et des campagnes, organisés indépendamment des partis bourgeois, peut offrir une véritable alternative à l’ensemble de la population pauvre.