La campagne électorale à coup de bombe

10 juillet 2016

Madagascar

Officiellement la campagne électorale n’a pas commencé, mais dans les faits, le top est donné : une bombe, artisanale dit-on, a explosé en plein concert dans le stade de Mahamasina, le plus prestigieux de la capitale et donc du pays faisant trois morts et plus de 80 blessés. Cela a eu lieu le 26 juin lors de la Fête Nationale.

Sont pointés du doigt les prétendants à la fonction suprême c’est-à-dire Ratsiraka, Ravalomanana, Rajoelina. Ils ont été au pouvoir et sont connus pour s’être comportés de cette façon dans le passé lorsque les élections approchaient. Mais il n’y a pas qu’eux : d’autres personnalités de la même eau, civiles écartés ou galonnés tombés en disgrâce, figurent en bonne place sur cette liste de présumés et celle-ci n’est pas exhaustive. La compétition pour un « retour en force », au sens propre comme au sens figuré est donc en route.

Aux yeux des classes pauvres, Hery Rajaonarimampianina le président actuel et homme d’affaires issu de la haute finance, n’est pas meilleur que son prédécesseur. Tous deux font partie de clans privilégiés du centre et des plateaux de la Grande Île. Les travailleurs eux sont férocement exploités et de surcroît muselés plus qu’auparavant, surtout depuis la nomination de Mahafaly à la tête du gouvernement. Ce Premier ministre cumule aussi le mandat de ministre de l’Intérieur, c’est-à-dire celui qui tient la matraque en quelque sorte, lors des grèves et des manifestations. De plus il a supprimé la fonction de « ministre du travail et des affaires sociales », ce qui en dit long sur le rôle qu’il accepte de jouer à l’encontre du monde du travail et à celui des laissés-pour-compte.

Hery, quant à lui, avait occupé le poste de ministre des Finances sous le mandat de Rajoelina. Il a été élu président grâce à l’appel de celui-ci au vote en sa faveur. Rajoelina qui s’était imposé à la tête de l’État sans élection présidentielle, était considéré à cette époque comme étant son « mentor ». Aujourd’hui l’un et l’autre, sont en compétition pour les élections à venir, législative l’année prochaine, puis présidentielle. Tous ces gens sont au service exclusif des classes riches et eux-mêmes en font partie. Ils se valent et sont permutables.

Hery, l’actuel chef d’État, relayé par les journaux, par la radio et par la télévision, a beau claironner à longueur de journées, que cet attentat est politique et que le but recherché par son ou ses commanditaires est de déstabiliser le pouvoir en place. Pour autant cela ne suffit pas à redorer son blason terni et usé par les nombreuses privations auxquelles il a soumis les classes pauvres.

Pour la majorité de la population, du moins actuellement, aucun des chefs de file n’apparaît comme étant plus clément à l’égard de ceux qui ne possèdent pas de richesses. Toutes les têtes qui gesticulent sur le devant de la scène ont occupé de hautes fonctions dans un passé encore récent. Ces gens qui se sont entredéchirés avec la peau des pauvres, n’hésiteront pas à rééditer les pratiques sanglantes auxquelles ils se sont livrés dans le passé. Ils s’étaient adonnés au clientélisme et comptent encore aujourd’hui, de nombreux appuis dans leurs régions respectives ou dans ce qu’ils considèrent comme étant leurs fiefs. Les élections à venir aiguisent leur impatience ainsi que leur soif de pouvoir.

Des alliances éphémères sont tissées au gré de ce qui leur parait favorable pour arriver à l’exercice du pouvoir et des privilèges qui vont avec : résidences de fonctions, véhicules 4×4, bons de carburants, chauffeurs ainsi que bien d’autres avantages. Le « ady seza » (lutte pour les places) commence dès maintenant et la bombe au stade de Mahamasina n’est peut-être qu’un avant goût de leur savoir faire en la matière. Tout cela est, bien entendu dirigé avant tout contre la population qui est prise en tenailles entre les clans en compétition pour le pouvoir.

Entre eux, les dirigeants se ménagent. Ravalomanana connu pour ses liens avec les États-Unis d’Amérique, a été condamné aux travaux forcés à perpétuité, mais c’était une condamnation d’opérette puisqu’au vu et su du régime actuel, il est revenu de son exil doré d’Afrique du Sud. On pourrait en dire autant de Ratsiraka son prédécesseur qui à l’instar d’autres dictateurs déchus, a passé de longues années d’exil en toute quiétude en France.

Ces deux anciens dictateurs occupent à nouveau le devant de la scène et le régime actuel les ménages. Lors de la fête de fin d’année et lors de celle de l’Indépendance, tous se faisaient des courbettes ou se congratulaient dans de fastueux salons loués pour la circonstance par l’État, c’est-à-dire avec l’argent des contribuables.

Les sauteries luxueuses et autres réceptions ne représentent que le côté visible des pratiques du personnel politique de haut rang et des serviteurs de l’ordre bourgeois. Les grands capitalistes eux sont certainement ailleurs en train de mener un standing de vie inimaginable, à l’abri de tout regard, dans des lieux paradisiaques entre gens de leur monde.

Il faudra bien qu’un jour, élections ou pas, tous ces gens rendent des comptes aux travailleurs et à la population pauvre.